Dasypoda - Abeilles à culottes - Abeilles Solitaires - Dasypoda hirtipes - Insectes

2024 12       Article paru en 2016 revu corrigé et augmenté. Vu plus de 3000 fois depuis sa première parution

 Abeilles solitaires une vie discrète


Les abeilles domestiques défrayent la chronique, elles ne représentent pourtant qu'une infime partie des abeilles présentes dans la nature.


©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes


Une abeille solitaire c'est quoi au juste ?


- Outre l’Abeille domestique, plus de  25  000  espèces  d’abeilles, appartenant  à  une  dizaine  de  familles, collectent du pollen et du nectar   qu’elles emmagasinent   pour nourrir leur progéniture. La plupart sont  solitaires  et  creusent  leur nid dans le sol. D’autres l’installent dans des arbres creux ou dans des galeries qu’elles  forent  dans  le  bois  mort, quelques-unes les façonnent avec de la résine ou de la boue mélangée de cailloux. À l’intérieur du nid, les pa rois des cellules sont faites de sécrétions de cire ou construites avec des fragments de feuilles, des pétales ou de la résine. Chaque cellule renferme un bloc de pollen sur lequel se développe une larve. Au sein d’une même famille,  les  modes  de  nidification sont souvent très variés. Certaines espèces  ont  une  vie  communautaire, plusieurs femelles vivent alors dans le même nid, chacune fabriquant et approvisionnant ses propres cellules où  elle  dépose  ses  œufs.  Quelques représentants des Halictidés et Anthophoridés et   de nombreux Apidés  ont  une  vie  sociale  mais seules les sociétés les plus élaborées (Abeille domestique, Mélipones) forment des colonies pérennes.
Source : https://www7.inra.fr/opie-insectes/


Observation d'une abeille solitaire Dasypoda hirtipes


©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes

C'est tout à fait par hasard, alors que je procède à des relevés naturalistes, que j'aperçois une petite bestiole disparaissant à vive allure dans le sol.
Je reviens quelques jours plus tard sur les lieux pour en apprendre davantage sur cet animal et son étrange comportement, il fait très beau et chaud comme le jour de ma première rencontre avec lui.
Il s'agit d'une Dasypoda hirtipes, insecte appartenant aux hyménoptères, son nom vernaculaire lui convient tout à fait, Abeille à culottes.
Nous retrouvons la mention de cette caractéristique dans le nom latin Hirtipes (hirtus, hérissé, pes, pied) qui a les pattes garnies de poils.


Dasypoda hirtipes la femelle


 

La femelle porte d'impressionnantes touffes de poils dorés ou orangés sur les pattes postérieures, au niveau du tibia et du tarse. Ces touffes de poils dénommées brosses ou plus exactement scopa sont des structures de poils denses situées sur les pattes arrières. L'insecte collecte le pollen, l'entasse dans les scopas,  puis le transporte jusqu'à son nid.
 
 

 
👉Bon à savoir : Le mâle ci-dessous est couvert, lui aussi, de poils beaucoup plus courts et ne porte pas ces jolies culottes bouffantes !
 
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes


Le mâle et la femelle réunis sur la même planche.



                         1 Dasypoda hyrtipes femelle 
                         1 a Abdomen de cette femelle
                         1 b sa patte postérieure en dessous 1 c la même en dessus
                         1 d aile de la Dasypoda
                         2 Dasypoda hyrtipes mâle
                         2 a abdomen de ce mâle

 
👉 Bon à savoir : cet insecte est particulièrement "pacifique". Vous pouvez vous allonger au milieu d'une colonie, comme je l'ai fait, sans craindre la moindre piqûre. Elles n'ont rien à défendre (réserve de miel) ce qui explique sans doute leur grande tolérance (certaines abeilles solitaires n'auraient pas de dard à vérifier).


Le lieu d'implantation.
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes


L'endroit où est installée cette colonie, d'environ 250 nids est situé aux environs du village de Moret-sur-Loing le long d'une haie, bordant un champ inculte. Le terrain présente une légère déclivité.
Exposé plein sud, le sol sableux, très tassé, est également fréquenté par les Lapins de garenne.
 
 

 

Les abeilles solitaires et sociales.

 
Les abeilles solitaires représentent environ 85% des abeilles existantes, les autres sont dites abeilles sociales et vivent généralement en colonies. Les abeilles élevées par les apiculteurs font donc partie des 15 % d'abeilles dites sociales.
La femelle Dasypoda hyrtipes construit un nid souterrain dans lequel larves et nourriture sont déposées. (La femelle vit seule sans ouvrière d'où son nom : abeille solitaire). Le nid est abandonné par l'insecte après obstruction de l'entrée. Un peu avant l'arrivée de l'hiver, l'adulte meurt, sa durée de vie n'excède pas trois ou quatre mois. Il n'y a donc pas de contact entre les générations d'insectes.


Deuxième observation in situ.

 
Observation faite lors du creusement d'un terrier.
La femelle creuse son terrier avec ses mandibules, comme j'ai pu le constater. Très  impressionnant de voir ce petit insecte venir à bout de ce sol si compacté !
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
Une Dasypoda en train d'agrandir l'entrée de son terrier


 
 
Une fois à l'extérieur, et toujours en marche arrière, elle repousse le sable sous son thorax et son abdomen à l'aide de ses pattes antérieures puis à l'aide des pattes postérieures, elle repousse les matériaux vers l'arrière et sur les côtés formant ainsi une sorte de canal. Elle se maintient en équilibre et se déplace grâce à ses pattes médianes.
 
Mes observations personnelles et les nombreux visionnage de vidéos de Dasypoda en train de creuser m'obligent à démentir les observations De A Pouvreau et de Y Loublier lorsqu'ils écrivent que l'insecte déblaie la terre avec ses pattes médianes. L'insecte se sert de ses pattes médianes pour maintenir son équilibre et pour se déplacer durant les opérations de terrassement mais en aucun cas pour déplacer les déblais. 

 
La femelle de Dasypode creuse son terrier à l'aide de ses mandibules et de ses pattes antérieures. Puis l'insecte interrompt son travail d'excavation pour repousser les déblais de terre, au moyen de ses pattes médianes et postérieures, jusqu'à la surface du sol. La femelle remonte la terre qu'elle a détachée du fond de sa galerie jusqu'à l' orifice, à reculons. Une fois la terre repoussée à la surface du sol, la femelle de Dasypode retourne aussitôt au fond de son terrier ; on la voit réapparaître bientôt, avec une nouvelle charge de terre, et la même suite d'opérations se répète plusieurs fois.
Observations sur la Biologie de Dasypoda Hirtipes (F., 1793) (Hymenoptera: Apoidea: Melittidae)
André Pouvreau & Yves Loublieres


Les opérations d'excavage terminées, il reste un genre de goulotte bien visible avec sur les bords des petits arcs de cercle peu profonds espacés de trois ou quatre millimètres. La trace pourrait ressembler à une mini-trace de vélo équipé de pneus tout-terrain. Le sable extrait du sol forme, parfois, un petit monticule, ressemblant par son aspect à ceux que font les Lapins de garenne (mis à part la taille bien entendu !)

Les terriers.

 
Les entrées des galeries ont pratiquement toutes la même dimension 7 millimètres de diamètre. Les tas de déblais par contre présentent des aspects bien différents comme vous pouvez le constater ci-dessous.
 
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes


©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
 
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
 

©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes

 
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
 

Le diamètre du trou, un hasard ?

 
Ce diamètre de 7 mm correspond parfaitement aux dimensions de l'insecte chargé de pollen !
Pas un grain de pollen ne reste collé aux parois lorsque l'insecte pénètre dans sa galerie !
 
La preuve par l'image.

©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
 

©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes


©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes

 

Et sous la surface ?

 
Les Dasypoda hirtipes font partie des abeilles nichant dans le sol, et plus particulièrement dans le sable. Elles sont qualifiées d'insectes psammophile (psammo sable en grec) ce qui signifie qu'elles aiment, ou vivent sur ou dans le sable.
J'aimerais bien savoir ce qui se passe sous la surface du sol. Hélas, la sécheresse a transformé le sable en véritable béton, il m'est impossible de creuser sans tout détruire.
À défaut, je me contente de calculer la longueur approximative du conduit.
Je collecte le sable extrait par l'insecte (celui du petit monticule), je le place dans un récipient afin de calculer son volume.
 
 
J'obtiens 82 centimètres, ce qui correspond (empiriquement) à la longueur de la galerie principale, des galeries annexes et des chambres.
En parcourant un peu la toile, je découvre le compte-rendu des travaux de A Prouveau et de Y Loublier sur les Dasypoda hirpites.
Ils décrivent l'architecture d'un nid de Dasypoda hirtipes, comment ont-ils fait ? Nulle mention de la méthodologie utilisée pour "visiter" la galerie et pour en dresser un plan précis. Voici le diagramme qu'ils nous proposent.
 
 

 

Dernières observations en Maine-et-Loire.


Il y a quelques jours (2024 08 01) j'ai découvert pas très loin de chez moi à Souzay-Champigny, deux sites où sont implantées des Dasypoda hirtipes, les deux colonies totalisent environ 500/600 nids. Elles sont implantées sur des chemins forestiers bénéficiant d'un excellent ensoleillement. Les sites sont orientés nord-nord-est / sud-sud-ouest et le second nord-nord-est / sud-sud-ouest, ils sont distants l'un de l'autre de 1500 mètres.

 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
Site 01 situé sur un chemin traversant un pare-feu
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
Site 02 chemin forestier à proximité d'une clairière

©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
Les chaussures donnent l'échelle ce n'est pas un erreur de cadrage 👍

 
 
  ©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes

Description (simplifiée) des sols des sites.

 
Les sols des deux sites, implantés sur des chemins irrégulièrement fréquentés présentent les mêmes caractéristiques, sol fortement tassé, un des deux site présente une légère déclivité permettant l'évacuation des eaux pluviales, l'autre semble plutôt horizontal. La composition du sol semble identique, un mélange de sable et de terre, peu ou pas de débris végétaux (aiguilles de résineux, petites branches, etc) pas de cailloux, les plus gros grains mesurent tout au plus quelques millimètres. Un milieu très favorable aux petites mandibules de nos compères !
 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes

 
©jean-paul-lahache-dasypoda hirtipes
Entre deux petits traits de l'échelle photographique il y un millimètre.
 

Les inévitables parasites.

Mouche coucou
Miltogramma oestracea

Lorsqu'une Dasypoda hirtipes revient avec son chargement de pollen elle est parfois suivie d'un insecte ressemblant à une grosse mouche au vol bruyant.
Notre mouche parasite, une Miltogramma oestracea ayant repéré l'entrée du terrier et vu disparaître dans celui-ci l'abeille avec son chargement de pollen, attend patiemment que celle-ci ressorte pour s'introduire dans le terrier.
 


Une fois à l'intérieur du nid, elle dépose ses œufs dans les cellules où se trouve les boulettes de pollen sur lesquelles sont déjà présents les œufs de Dasypoda, elle ressort rapidement (André Pouvreau & Yves Loublier).
André Lequet décrit également ce comportement : "On peut citer Miltogramma oestraceum cleptoparasite de l'"Abeille solitaire" Mellitide Dasypoda hirtipes pondant sur les réserves des cellules larvaires jusqu'à 3 œufs par cellule profitant de l’absence de l'hôte entre 2 allées et venues".
Les larves de notre mouche parasite vont se développer et se nourrir des réserves de pollen stockées dans les alvéoles.
Par leur comportement de parasitisme les Miltogramma oestracea privent les larves des Dasipoda hirtipes de nourriture et provoquent à terme leur mort. C'est un parasitisme assez proche de celui du Coucou gris d'où le nom de mouches coucou, donné à ces parasites.

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Un album photo de l'abeille pantalon Dasypoda hirtipes vous est proposé.
 
Cliquez ici
 
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RESSOURCES et LIENS :
 
Mes autres enquêtes : l'Abeille du lierre Colletes hederae  📝
 
■ Office Insectes et Environnement OPIE    📝
 
François Lasserre, (OPIE) tente de déconstruire les idées reçues et appelle à une meilleure cohabitation avec ces petites créatures   📝
 
Identification    📝
 
Peut-être voulez-vous vous impliquer    📝 
 
Peut-être voulez-vous devenir refuge à pollinisateurs   📝
 

VIDEOS

 
Une vidéo (anglais) où l'on voit Notre mouche parasite Miltogramma oestracea
 

Une vidéo (anglais) où l'on voit Dasypoda hirtipes en action


Une vidéo (anglais) où nous voyons Dasypoda hirtipes creuser son terrier, regardez bien le travail des pattes !

 

 
 
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1 commentaire:

  1. Hyper intéressant, merci comme toujours, je vais essayer d'en voir lors de nos promenades. Robert

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