Le Spitzemberg a été le théâtre d’âpres combats durant la Première Guerre mondiale.
Le texte ci-dessous, extrait de Gallica, retrace un des ces événements qui ont ensanglantés cette partie du massif vosgien.
Septembre-Décembre 1914
Relevé le 12 septembre par une brigade de réserve, le régiment reçoit l'ordre de se porter à Saint-Dié, que la victoire de la Marne vient à peine de dégager. Cette fois, le i5-2 n'avance pas au milieu de l'allégresse d'un pays acclamant ses libérateurs. Partout sur son passage, à Fraize; Anould, Saint-Léonard, Saulcy, ce sont plutôt des vengeurs qu'appellent ces villages, ravagés par les bombardements et l'incendie, et toutes ces croix surmontées de képis rouges et bleus, qui se dressent sur la terre fraîchement remuée. Partout sur ce champ de bataille que l'ennemi vient à peine de quitter, l'image de la France meurtrie surgit devant ses défenseurs. A son appel, à l'appel des femmes et des jeunes filles, debout au seuil de leurs maisons ruinées, la réponse des braves Vosgiens du i5-2 ne tarde guère : a On y va. On y va. »
Ils ne devaient pas attendre l'occasion de prouver à la Patrie leur abnégation et leur fidélité jusqu'à la mort. L'ennemi, après avoir évacué Saint-Dié, se cramponne à ses portes, au massif de l'Ormont. Le 17 septembre, le régiment reçoit l'ordre de s'emparer du Spitzenberg. Cône boisé, adossé à ce massif, et que couronnent les ruines du vieux château, rempart de l'ancienne Lorraine, sentinelle avancée sur la route de Saales, il domine toute la vallée de la Favre jusqu'aux abords, de Saint-Dié, et constitue pour l'ennemi une position très forte, en même temps qu'un observatoire menaçant.
Le 2* bataillon (commandant d'Auzers) part à l'assaut de cette formidable position, et attaque vers Beulay avec sa vaillance coutumière. Déjà, la 7e compagnie gravit les pentes du Spitzenberg et parvient à la lisière nord du bois, mais, prise tout à coup sous un feu terrible de mitrailleuses, elle est décimée et rejetée. Malgré tous les efforts, notre attaque est brisée. Sous la pluie qui tombe en trombe, sous le bombardement meurtrier, nos hommes se cramponnent au terrain conquis.
Dès le lendemain, l'attaque reprend, par Charemont, directement du sud au nord, menée. cette fois par le Ier bataillon (commandant Rousseau). Elle est vite arrêtée. Cachées dans les bois, les mitrailleuses allemandes balaient le terrain. Nos hommes, cloués au sol, ne peuvent lever la tête. Les blessés, abandonnés, agonisent sur le champ de bataille. Un héros, l'infirmier Brun, de la 8e compagnie, ose en rampant aller de l'un à l'autre, et panser leurs blessures, malgré l'inutile cruauté des mitrailleurs allemands, qui s'acharnent sur lui.
Ces échecs ont pu décimer le vaillant régiment : ils n'ont pas amoindri sa volonté de vaincre, et le ig septembre, les Ier et 2e bataillons repartent à l'assaut de ces pentes sanglantes, qu'ils abordent à l'ouest par le col, entre la montagne d'Ormont et le Spitzenberg. Cette nouvelle tentative échoue encore.
Après les vaines attaques des 17, 18 et ig @ septembre, l'ennemi peut nous croire à bout de forces. Il n'en est rien. Ni les échecs, ni les pertes, ni le bombardement, ni la pluie ne peuvent lasser l'indomptable ténacité du régiment. Le 15-2 veut le Spitzenberg, il saura le onquérir. Le 20 septembre, le ier bataillon et le 3e bataillon (commandant Contet) donnent l'assaut à 15 heures, par surprise, sans préparation d'artillerie, le ier bataillon par Charemont, le 3e par le col. L'ennemi résiste avec sa fermeté coutumière, les flancs du Spitzenberg crachent la mitraille, mais en vain. Le commandant Rousseau arrive le premier à la clairière qui court sur le flanc sud, à quelques dizaines de mètres du sommet, et tombe, la tête fracassée. Derrière lui, les 3e et 4e compagnies, d'un dernier élan, enlèvent la clairière à la baïonnette.
Le 3e bataillon rencontre la même résistance acharnée. Malgré tout, ses vagues montent sur les glacis balayés par la mitraille. Le soldat Didier rallie une poignée d'hommes, et, à leur tête, saute dans la tranchée boche à mi-pente.
Enfin, dans un effort surhumain, les ge et IOe compagnies prennent pied sur le sommet, et rejettent définitivement l'ennemi après des corps à corps farouches. Le Spitzenberg est à nous. Nous avons fait prisonniers 80 hommes, 1 officier, et pris 2 mitrailleuses.
Rendu furieux par la perte d'une position aussi âprement défendue, l'ennemi concentre sur ce piton le tir de toutes ses batteries. Une tempête de fer et de flamme s'abat sur le Spitzenberg, qui disparaît dans la fumée. Ses défenseurs, décimés, repoussent toutes les contre-attaques, mais le Boche s'acharne, et, vers 17 heures, le bombardement devient effroyable. Les sapins et les rochers du Spitzenberg
volent en éclats, et couvrent ses défenseurs de leurs débris. Des grappes humaines gisent écrasées. Les survivants essaient en vain de s'abriter, en creusant ce sol rocailleux. Les pertes deviennent telles que le capitaine Sabate demande au colonel de retirer de cet enfer les débris de son bataillon. Mais l'ordre est donné de tenir coûte que coûte. Les braves du 4e bataillon l'exécutent stoïquement.
L'héroïque capitaine Jamelin, rare figure d'apôtre et de soldat, la jambe traversée pendant l'attaque, s'est fait coucher au milieu de ses hommes, qu'il refuse d'abandonner. Son exemple décuple les courages, et quand les Allemands
gravissent les pentes du Spitzenberg, assurés d'en avoir anéanti tous les défenseurs, ils sont rejetés une fois de plus.
La colline sanglante, où 8 de ses officiers et 600 hommes sont tombés, reste au 15-2, et dans ce nom de Spitzenberg, éclatant comme un cliquetis de baïonnette, revivent à jamais l'abnégation, l'obstination farouche et l'indomptable volonté de vaincre du 15-2. Le régiment a bien gagné l'Etoile d'Or, que l'ordre général de l'armée des Vosges lui confère.
Le front se stabilise de la frontière Suisse, jusqu'aux rives de la mer du Nord. Les Vosges, et Hautes-Vosges font partie d'une ligne de front qui s'organise. Des tranchées, des abris, des caches souterraines sont aménagés tout le long du front, et en arrière de cette ligne.
Je vous propose aujourd'hui de découvrir, en ma compagnie, un abri creusé dans le grès des Vosges. Ce complexe fait partie de la ligne de front du Spitzemberg, il a probablement servi de lieu de repos, ou de stockage.
Notez bien que : pour des raisons évidentes de conservation, et de préservation le lieu est tenu secret. Inutile de m'écrire.
Schéma simplifié (très) de cet ensemble souterrain.
Les traces d'exploitation encore visibles sembleraient prouver que des foreuses électriques du modèle figurant ci-dessous ont été utilisées par les militaires de l'Arme du Génie Militaire.
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Du côté allemand les mêmes engins étaient utilisés.
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