( 2023 14 ) Plantes carnivores - Mares - Tourbières - Étangs - Utriculaires -

C'est quoi une Utriculaire commune.


 Utricularia vulgaris

 

L'Utriculaire commune Utricularia vulgaris.


 
J’aimerais vous présenter aujourd’hui une plante tout à fait étonnante, l’Utriculaire commune (Utricularia vulgaris) . Mes premières observations de cette plante carnivore ont été faites dans les mares de la forêt de Fontainebleau.
L'Utriculaire commune est une p
lante aquatique herbacée, hermaphrodite,  dépourvue de racines.  Elle vit dans les eaux douces (ou très peu salée) peu profondes et stagnantes. Il est donc possible de la rencontrer dans les eaux pauvres en nutriments comme les mares, les marais, les étangs , les tourbières...
Elle est présente en Maine-et-Loire, Carte répartition LIEN

Peu de naturalistes connaissent cette plante, beaucoup ignorent même son existence. Il faut reconnaître qu’elle sait se faire discrète, et ce n’est qu’au moment de la floraison qu’on remarque sa présence.
 
Floraison d'utriculaires sur une mare en Brenne

 
De jolies fleurs perchées sur une hampe de 15 ou 20 cm

Une plante carnivore méconnue.

Ce sont les pièges dont elle dispose pour assurer sa flottaison et son approvisionnement en phosphore P et azote N  qui rendent cette plante étonnante, c'est une plante carnivore.


Une plante carnivore c'est quoi ?

Une plante carnivore est une plante capable d'attirer et de capturer des proies (insectes, acariens et autres petits invertébrés essentiellement) puis de les assimiler, entièrement ou en partie, afin de subvenir (partiellement) à ses propres besoins. Il existe un peu plus de 700 espèces de plantes carnivores au sens strict connues au début du XXIe siècle, mais en moyenne trois espèces de plantes carnivores sont découvertes ou décrites chaque année depuis l'an 20002. (source wikipedia)

Rameau d'utriculaire immergé.

Les pousses linéaires sont dépourvues de racines, les rameaux sont couverts d'une multitude de petites vésicules, quelques millimètres seulement, appelées utricules (du latin utriculus signifiant petite outre)


Les utricules sont de véritables pièges. Sorte de vessies creuses aux parois élastiques de 6 mm maximum de long comportant une sorte de trappe mobile. L’intérieur du piège est densément tapissé de glandes quadrifides et bifides impliquées dans la sécrétion d'enzymes digestifs, la résorption des nutriments et le pompage de l'eau. Les pièges capturent de petits animaux aquatiques issus du zooplancton, ils hébergent également un ensemble de micro-organismes considérés comme des commensaux
 
 

Utricule : Définition du Centre National Ressources textuelles et Lexicales


Petit organe en forme d'outre jouant dans certaines plantes le rôle de flotteur et de piège à insectes, petits crustacés et larves aquatiques. Chaque utricule est (...) un piège (...) très ingénieux: à l'entrée du sac se trouve une membrane en forme de clapet, s'ouvrant vers l'intérieur, de sorte que l'imprudente bestiole qui s'aventure jusque-là est incapable d'en ressortir


Florence Le Strat dans le journal de botanique nous décrit le genre Utricularia.


Les tiges portent des petites outres ou utricules (d’où le nom du genre) ’environ 1 à 3 mm. Ces urnes correspondent à des feuilles modifiées dites épiascidiées. Ce sont les pièges actifs qui fonctionnent par un mécanisme d’aspiration. Chaque urne est fermée par une porte souple, entourée de longs poils ramifiés en filaments. La porte repose sur des structures cellulaires complexes (Le Strat‑Broussaud et Vintéjoux 1982). Autour de l’orifice
sont localisées des glandes à mucilage pédonculées, la surface externe étant quant à elle tapissée de glandes sessiles, dont la fonction d’attraction est encore discutée. Elles sont le siège d’une abondante sécrétion de mucilages polysaccharidiques. Récemment, le mécanisme de capture a été observé par caméra haute cadence, et analysés par simulations numériques (Joyeux et coll. 2011). Au repos, l’urne est en dépression et lorsqu’un animal aquatique touche les poils sensitifs situé sur la porte, il déclenche l’ouverture et l’aspiration (moins d’une milliseconde). La porte flexible a un rôle mécanique fondamental par flambage et inversion de sa courbure lors du fonctionnement. Sa structure cytologique est mise en avant pour expliciter les mouvements.


Une stratégie mise en place des utriculaires observées en Guyane.


Comment comprendre qu’une plante ne se déplaçant pas, arrive à capturer des proies qui elles se déplacent. Les chances de rencontres minimes avec le zooplanctons ne pourraient suffirent à approvisionner la plante en phosphore et en azote. L’utriculaire observée en Guyane a donc mis au point une stratégie pour augmenter le nombre de proies dans son environnement immédiat et multiplier ainsi les chances de capture. Lors d’une mission sur le littoral guyanais dans une mare restée inaccessible à l'homme durant des siècles  un chercheur Daniel Guiral  a mis en évidence une concentration anormalement élevée du zooplancton à proximité des utriculaires. Il a réussi à démontrer l’existence sur les rameaux et les pièges (les utricules) d’algues microscopiques parfaitement adaptées à la taille du zooplancton. L’utriculaire se laisse donc coloniser par ces minuscules algues dans le seul but d’augmenter la présence de zooplancton et de multiplier les chances de capture !


Le piège de l'Utriculaire commune.

Les petites utricules munies de leurs poils imitant probablement des algues.


Coupe longitudinale schématique à travers un piège d'Utriculaire

Fig : 02 Coupe longitudinale utriculaire


1 - "Trappe" ou "porte" de l'utricule.

2 -  Glandes quadrifides éparpillées sur l’ensemble de la surface interne qui ont pour but de sécréter les enzymes digestifs et de réabsorber les nutriments ; LIEN

3 -  Glandes bifides situées près du clapet de la trappe qui, elles, ont pour rôle d’évacuer l’eau en dehors des outres de manière à créer la dépression qui sera à l’origine de l’activation de la trappe ;

4 -  Autour de l’orifice sont localisées des glandes à mucilage pédonculées ;

5 -  Glandes sessiles sphériques ; 

6 -  Poils sensibles, déclenchant l'ouverture de la trappe LIEN

7 - Orifice d'entrée ;

8 - Antennes ou poils ramifiés. Des leurres imitant des algues.


Découvrez une vue réalisée au microscope électronique d'une utricule 

Crédit photo
Longitudinal section of a trap (known as an utricle) of the Utricularia (Utricularia vulgaris) seen here with a scanning electron microscope (SEM). Aquatic carnivorous Utricularia use these suction traps to ensnare aquatic animals. Credit: Carmen Weißkopf
 
Cette vue d'une utriculaire est attribuée à Carmen Weisskopf alors qu'elle était affiliée à l'Université de Fribourg et à d'autres endroits

Porte de l'utricule et intérieur de l'urne

Avec l'aimable autorisation de : Source Sorbonne Université


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01 Vue de face de la porte de l'utricule. on distingue, à gauche, la base de deux grands poils ramifiés ; à droite, deux paires de poils sensibles bien visibles sur l'image suivante.
02 Détail de l'image précédente. A la base des paires de poils sensibles, sont réparties des glandes à mucilage de diverses formes.
03 Vue de l'intérieur de l'urne. Cette zone est recouverte de glandes quadrifides, parfois bifides qui sécrètent des enzymes digestives (éclairage en lumière polarisée). 

Avec l'aimable autorisation Biomedia, Sorbonne-Universite https://www.snv.jussieu.fr/bmedia/carnivore/succion.html
 
 


Récemment, le mécanisme de capture a été observé par caméra haute cadence, et analysés par simulations numériques (Joyeux et coll. 2011). Au repos, l’urne est en dépression et lorsqu’un animal aquatique touche les poils sensitifs 6 (fig 02) situé sur la porte 1 (fig 02), il déclenche l’ouverture et l’aspiration (moins d’une milliseconde). La porte flexible 1 (fig 02) a un rôle mécanique fondamental par flambage et inversion de sa courbure lors du fonctionnement. Sa structure cytologique est mise en avant pour expliciter les mouvements.
Source : Broussaud-Le Strat Florence. Le genre Utricularia. In: Le Journal de botanique, n°70, 2015. Juin. pp. 17-21; doi : https://doi.org/10.3406/jobot.2015.1342; https://www.persee.fr /doc/jobot_1280-8202_2015_num_70_1_134
 


Capture d'un copépode par l'utriculaire, chronologie

Pour des raisons de compréhension, la "porte" de l'utriculaire est fortement schématisée voyez ici cette simulation numérique plus réaliste. LIEN




01  Le piège est initialisé, il est hermétiquement fermé, la pression à l'intérieur est négative Environ - 16 kPa (Kilopascal)  par rapport à l'eau ambiante.
 
02  Le zooplancton, sans doute attiré par les poils ramifiés ressemblant à de petites algues, arrive en vue des poils sensibles implantés sur la "trappe" du piège.
 
03  Un copépode (dans le cas qui nous occupe) entre en contact avec un des poils sensibles ...
 
04  Immédiatement la "trappe" s'ouvre créant ainsi une rapide dépression environ 10/15 millisecondes. Ce piège est le plus rapide du monde végétal connu actuellement ...
 
05   La "trappe" se referme, emprisonnant le corps du copépode qui commence à être digéré.
Dans le même temps la pression négative est restaurée (par le retrait rapide d'environ 40% de l'eau) le piège devient à nouveau opérationnel au bout de 25 à 30 minutes, le processus complet dure beaucoup plus longtemps.
 
06  Ce qui reste du corps du copépode reste "prisonnier" de l'utricule. Les déchets accumulés dans l'utricule lui donne cet aspect de petite boule noire que nous apercevons sur les photos suivantes.
 
D’après la Traduction d'un article de Lubomir Adamec
 

En direct de la mare.






 

 

Les liens en rapport avec le sujet :

Le Journal de botanique Le genre Utricularia Florence Broussaud-Le Stra
https://www.persee.fr/docAsPDF/jobot_1280-8202_2015_num_70_1_1342.pdf
- Video  intérêt 1/5
https://www.youtube.com/watch?v=wZcKoTxp5mc
https://www.butbn.cas.cz/adamec/
Ecophysiological characteristics of traps of aquatic carnivorous  Utriculariahttps://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3172828/
Le genre Utricularia  parc de Miribel-Jonage  Jean-François Christians
https://www.persee.fr/doc/linly_0366-1326_2016_num_85_5_17795
Les plantes carnivores
https://www.snv.jussieu.fr/bmedia/carnivore/succion.html 
- Le piège de l'Utriculaire.


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