Comment débuter en coprologie animale.
La coprologie animale c'est quoi ?
La coprologie, l'étude des excréments, est une discipline scientifique qui se révèle être une source d'information inestimable pour les biologistes, les vétérinaires et les passionnés de nature. Elle offre une fenêtre non invasive sur l'état de santé, le régime alimentaire et le comportement d'un individu ou d'une population animale, sans nécessiter de capture ou de contact direct.
Cette méthode d'investigation est reconnue comme étant simple, peu coûteuse, et rapide et fiable.
Historiquement,
l'analyse des excréments, qu'il s'agisse de la coproculture pour la
recherche de bactéries ou de la coproscopie pour l'identification de
parasites , est une pratique courante dans le domaine de la santé
humaine et animale domestique. Chez l'être humain, la coproculture est
souvent préconisée pour diagnostiquer des infections gastro-intestinales
causées par des bactéries comme les Salmonelles, les Shigelles, ou les
Campylobacters.
Chez
les animaux, et plus particulièrement dans le contexte vétérinaire, la
coproscopie permet de mettre en évidence des causes parasitaires lors de
signes digestifs, de dépister des porteurs asymptomatiques au sein
d'une collectivité, ou encore de suivre l'efficacité d'un traitement.
Dans le contexte de la faune sauvage, qui nous intéresse et notamment pour le Renard roux Vulpes vulpes, la coprologie, différente comme nous venons de le voir de la coproscopie, prend une dimension écologique fondamentale.
Les fèces (nom utilisé pour désigner les crottes) du renard, souvent appelées également "laissées", ne sont pas de simples déchets ; elles constituent une véritable mine d'informations sur son mode de vie. Leur étude, la coprologie, permet d'analyser le régime alimentaire, et d'appréhender, entre autres, ses habitudes de marquage de territoire.
Mon article a pour but de guider un public averti à travers les étapes de cette démarche, de l'identification sur le terrain aux précautions sanitaires indispensables, en passant par l'interprétation des résultats d'analyse, transformant ainsi une simple observation en un acte de science.
Le Renard roux notre sujet d'étude.
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Renarde en plein après-midi |
Le marquage de territoire chez le Renard roux.
Ce marquage est intentionnel et stratégique. Bien que ce ne soit pas une règle absolue, les renards choisissent de préférence des emplacements bien en vue et surélevés, tels que des rochers, des souches d'arbres, des touffes d'herbes, des branches, des arbres abattus par des tempêtes, des taupinières, mais également, comme nous le verrons, des proies, des coulées, etc, pour déposer leurs déjections. Cette technique maximise la diffusion des odeurs portées par le vent, délimitant ainsi les territoires aux autres renards. Par conséquent, l'étude de la localisation des dépôts de fèces permet non seulement de comprendre les limites territoriales, mais aussi d'identifier l'organisation spatiale de ces animaux.
La taille du territoire d'un Renard roux est étroitement liée à la disponibilité des ressources alimentaires. Dans des environnements riches en nourriture, les territoires sont souvent plus petits, tandis que dans des zones où les ressources sont rares, ils peuvent s'étendre considérablement. C'est intéressant de noter qu'en milieu urbain, comme dans certaines villes anglaises, les renards profitent de l'aide humaine pour se nourrir, entraînant ipso-facto des territoires réduits [LIEN].
Le marquage de proies volumineuses chez le Renard roux.
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Patte de chevreuil victime d'une collision partiellement consommée et marquée par renard |
Le surmarquage chez le Renard roux.
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Surmarquage Renard roux sur Renard roux (probablement le même individu) de Trois dépôts peu éloignés dans le temps |
Ce comportement de marquage souligne l'intelligence et l'adaptabilité de ces animaux face à leur environnement, enrichissant notre compréhension des interactions écologiques.
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deux surmarquages Renard roux sur laissée de Martre des pins |
Le marquage des coulées chez le Renard roux.
Un exemple de marquage renouvelé d'une coulée.
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Pas moins de 5 marquages pour signaler (?) cette coulée traversant un chemin |
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La coulée empruntée par le Renard roux marquée à 5 reprises |
Rôle des parents dans l'apprentissage.
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À l'école des Renards roux |
Beaucoup de jeunes mammifères restent attachés à leurs parents durant une période plus ou moins longue. La biche, par exemple, garde à ses côtés non seulement son faon de l'année mais également son jeune de l'année précédente, l'éducation dure donc un peu plus d'une année entière pour chaque sujet. Les renardeaux restent auprès d'un adulte durant une période moins longue, mais suffisante pour acquérir des comportements destinés à assurer leur survie. Le marquage entre sans aucun doute dans cette éducation, ce qui explique le nombre relativement élevé de fèces rencontrées sur les territoires en fin d'été et au début d'automne (le nombre d'individus adultes et jeunes étant plus important). La période du rut en novembre/décembre met une fin, parfois définitive, aux contacts familiaux sur un même territoire.
Le monde des odeurs chez le Renard roux.
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Chaque odeur et sa source peuvent être matérialisées par une couleur |
Pour conclure ce chapitre.
Le marquage urinaire.
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La neige met en évidence les quelques gouttes d'urine déposées par notre compère |
Différenciation des marquages urinaires.
Le rôle des phéromones.
Les phéromones c'est quoi ?
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Les phéromones sont détectées par l'organe voméronasal . Les odeurs par l'épithélium olfactif. Odeurs et phéromones sont invisibles. |
L'organe voméronasal des mammifères permet de détecter les phéromones. Les êtres humains sont en théorie dépourvus de cet organe.
Les différentes phéromones
Déposées dans l’environnement, elles délimitent un territoire. Chez les canidés, ces hormones sont contenues dans les urines que les individus déposent sur des repères, ceux-ci servant en quelque sorte de « bornes » pour marquer leur « territoire ».
Elles sont très courantes chez les insectes sociaux : les fourmis, par exemple, balisent leurs pistes par des hormones de trace.
Ce sont des substances volatiles libérées par un individu en cas de blessure ou d'attaque par un prédateur et qui déclenchent la fuite (pucerons) ou l'agression (abeille) chez les autres individus de la même espèce.
Chez les animaux par exemple, les phéromones sexuelles indiquent la disponibilité des femelles pour être fécondées.
Reconnues chez les insectes, elles sont différentes des phéromones de territoire. Pour H. Fabre, « les femelles qui pondent leurs œufs dans ces fruits déposent ces substances mystérieuses au voisinage de leur ponte pour la signaler aux autres femelles de la même espèce : afin tout bêtement qu'elles aillent pondre ailleurs. »
Produites par l'un ou l'autre sexe, elles attirent les individus des deux sexes. Ce sont par exemple des hormones terpéniques produites par les scolytes Ips qui sont eux-mêmes attirés par des molécules (phytohormones) émises par les arbres stressés par une sécheresse.
Contenu des fèces de Renard roux.
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Le contenu de ce dépôt de Renard roux semble convenir à notre Silphe noir |
En tant qu'omnivore opportuniste, le Renard roux se plaît à explorer une vaste gamme de milieux, des forêts denses aux zones urbaines. Cette adaptabilité se retrouve également dans son régime alimentaire varié : il consomme non seulement des animaux, dont des vers de terre, mais aussi des fruits, des légumes, et occasionnellement des champignons. Les restes de ces aliments peuvent souvent être identifiés dans ses fèces, bien que certaines sources comme les vers de terre, les champignons, ou les escargots laissent peu de traces visibles.
Les fèces du renard fournissent également des informations cruciales sur son état de santé, son sexe et même sa disponibilité sexuelle, des aspects davantage accessibles à travers des études en laboratoire. Pour le naturaliste, la collecte et l’analyse des déjections du Renard roux constituent un moyen précieux d'appréhender non seulement son régime alimentaire, mais également son mode de vie et son adaptation à l'environnement.
Précautions et mesures sanitaires.
Recommandations générales et équipement de protection
La première règle à observer est de ne jamais sous-estimer le risque associé à la manipulation des excréments d'animaux sauvages. Pour toute opération, même brève, il est essentiel de porter des gants jetables. Cet équipement de protection individuelle (EPI) sert de barrière entre la peau et de potentiels agents pathogènes. Il peut être également intéressant d'utiliser des gants en nitrile, offrant une meilleure résistance que les gants en latex, mais nécessitent une désinfection après usage, ce qui se révèle peu pratique.
Dans des environnements poussiéreux, tels que les terriers ou une zone de latrines (cas du Blaireau européen), le port d'un masque respiratoire de type N95 et de lunettes de protection s'avère nécessaire. Ces mesures visent à minimiser le risque d'inhalation de particules contaminées par des agents infectieux. Les particules en suspension dans l'air peuvent représenter un vecteur de transmission significatif, notamment dans les zones où l'accumulation de matières fécales est élevée.
Hygiène des mains.
L'hygiène des mains constitue l'une des mesures de prévention les plus simples et efficaces après la manipulation d'excréments d'animaux. Il est crucial de se laver les mains à l'eau chaude et au savon ainsi que de se brosser sous les ongles immédiatement après tout contact, même indirect, (même après le port de gants), avec des excréments ou du sol potentiellement contaminé. Cette pratique permet d'éliminer les agents pathogènes susceptibles d'induire des infections.
Dans des situations où l'accès à de l'eau courante n'est pas possible, il est conseillé d'utiliser des lingettes désinfectantes ou un gel hydroalcoolique (sur le terrain). Cependant, il convient de souligner que ces substituts ne remplacent pas un lavage complet des mains et doivent idéalement être suivis d'un lavage traditionnel dès que l'occasion se présente.
Conclusion
Le respect de ces précautions sanitaires et protocoles de sécurité est primordial pour toute personne amenée à manipuler des excréments d'animaux sauvages. L'adoption systématique de mesures de protection adéquates, combinée à une hygiène rigoureuse des mains, permettra de réduire considérablement les risques sanitaires associés à cette activité.
🔺 Il parait évident de ne jamais proposer ce genre d'activités à des enfants (centre vacances ou de loisirs) ou des personnes présentant des déficiences ou des troubles du comportement.
- contact direct avec des animaux porteurs d'œufs sur leur pelage, notamment les chiens et les chats qui ont été en contact avec des rongeurs ou des fèces de renard. (ne laissez pas vos chats et chiens divaguer dans la nature)
- consommation d'aliments crus contaminés, tels que les fruits des bois (baies), les champignons, ou les légumes et salades de cultures de plein air.
- contact avec de l'eau potable contaminée par des œufs.
Collecte des fèces de renard.
Deux méthodes : voies sèches, voies humides.
Voies humides.
Laisser tremper la fèces dans un récipient rempli d'eau 24 heures, additionnée de quelques gouttes d'eau de javel 1.
Étape suivante : trier.
Le plus difficile est bien entendu d'identifier et nommer chaque élément trouvé. Quelques connaissances en ostéologie animale, en botanique, en ornithologie peuvent être utiles pour mener à bien l'identification ainsi qu'une bonne mémoire visuelle.
Que peut-on trouver dans les fèces de Renard roux (liste non exhaustive)
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Restes d'un rongeur non identifié |
Interprétation des données.
Analyse quantitative : elle est plus précise et permet de quantifier l'importance de chaque type d'aliment. Plusieurs méthodes sont possibles : Pourcentage de fréquence d'occurrence On compte le nombre de crottes dans lesquelles un type d'aliment donné (par exemple, rongeurs) est présent, puis on exprime ce nombre en pourcentage par rapport au nombre total de crottes analysées.
Pourcentage en volume ou en biomasse : on estime le volume ou la masse de chaque catégorie d'aliment dans chaque crotte, ce qui donne une idée plus juste de l'importance nutritionnelle de chaque proie.
Avantages de la coprologie.
Révèle les variations : en collectant des échantillons sur de longues périodes et dans différents types d'habitats, il est possible d'observer comment le régime alimentaire du renard varie en fonction des saisons, de la disponibilité des proies, et de l'environnement (rural ou urbain).
Complémentaire : la coprologie est souvent utilisée en complément d'autres méthodes (comme l'analyse des contenus stomacaux des renards morts), car elle offre un aperçu plus représentatif des habitudes alimentaires sur une période et un territoire donnés.
En conclusion, la coprologie est un outil essentiel pour les naturalistes qui souhaitent comprendre et documenter le régime alimentaire opportuniste et généraliste du Renard roux. Elle permet, sans avoir à les capturer ou les observer, de mieux comprendre la vie secrète du Renard roux et de mettre en évidence sa capacité à s'adapter aux ressources disponibles dans son environnement, qu'il s'agisse de micromammifères, d'insectes, de fruits ou de déchets.
La mise en pratique par l'image.
Prunelles : noyaux et peaux
Taupe d'Europe Talpa europaea [2] Poils, ongles, mandibule, morceau de crâne, os de bassin, côtes, tendons, vertèbres.
Divers fragments d'os non identifiables.
Le dossier photo de l'analyse est disponible ci-dessous.
Différents aspects et compositions des fèces du renard roux.
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Au menu il y avait des Mures et des fruits de Cornouiller mâle. |
L'analyse systématique des fèces peut ainsi nous aider à mieux comprendre le comportement alimentaire du Renard roux et son impact sur l'écosystème local. Pour explorer ces variantes et approfondir vos connaissances sur ce sujet, vous pouvez consulter l'album dédié qui documente de façon non exhaustive, bien entendu, ces diverses observations.
En guise de résumé et de conclusion.
Odeurs : la forte odeur musquée des fèces de renard est une signature olfactive qui persiste dans l'environnement. Ces odeurs sont produites par des glandes anales et des fluides corporels qui sont déposés sur les fèces. Elles transmettent des informations sur l'identité de l'individu, son sexe et son état de santé.
Phéromones : les phéromones sont des substances chimiques spécifiques qui déclenchent une réaction ou un comportement particulier chez un autre individu de la même espèce. Dans le contexte du marquage territorial, les phéromones dans l'urine et les fèces peuvent indiquer les dispositions sexuelles d'un renard, en particulier pendant la période de reproduction. Un mâle peut ainsi signaler sa disponibilité à une femelle, et inversement.
En somme, le décorticage des fèces du Renard roux fournit des données sur son alimentation et sa santé, mais l'analyse de leur emplacement et de leur composition chimique (qui n'est pas à la portée du naturaliste lambda) peut mettre en évidence un système de communication olfactive sophistiqué. Les odeurs et les phéromones agissent comme un langage non verbal, permettant aux renards de gérer leurs territoires, d'éviter les conflits et de trouver des partenaires, le tout sans confrontation directe.
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