2024 07
Sur le traces du Cincle plongeur
Le Cincle plongeur, un oiseau passionnant.
Les raisons qui font que peu de personnes connaissent cet oiseau sont multiples :
- sa taille, équivalente à celle d'un merle, ne favorise pas son observation ;
- sa couleur brun-chocolat lui assure un parfait mimétisme dans les milieux fréquentés.
- sa répartition sur le territoire national relativement faible ;
Inféodé aux eaux tumultueuses des zones montagneuses, il y a peu de chance de le rencontrer dans d'autres milieux.
👴 Bon à savoir : Le Cincle plongeur est le seul oiseau passant sa vie au bord de l'eau et dans son sein même ! c'est le seul passereau de France sachant plonger et nager. Son habitat de prédilection.
"Le Cincle plongeur (appelé également le merle d'eau Ndlr) est l'hôte typique des cours d'eau rapides et limpides, coulant sur un lit de graviers ou de roc. Il y recherche volontiers les secteurs accidentés de rapides, de chutes ; les berges abruptes chevelues de racines et sapées par le courant ; le voisinage des barrages, des scieries, des moulins et des ponts est particulièrement apprécié pour nidifier, certains couples nichent même dans les localités que traverse la rivière ( c'est le cas à Gérardmer où j'ai pu admirer notre ami Ndlr). Quelques endroits de plaine lui sont favorables, mais il est attiré surtout vers les régions montueuses et montagneuses." Extrait de P Géroudet Les passereaux tome II
Mes prospections à la recherche du Cincle plongeur.
Résidant actuellement en Maine-et-Loire, je privilégie les recherches au plus près de mon lieu de résidence, c'est-à-dire sur les cours d'eau du Massif central. Un long et méthodique travail sur cartes est nécessaire afin de trouver des cours d'eau susceptibles d'accueillir notre compère. Les cartes au 1/25000 de l'IGN, Géoportail, Google Maps, Google Street View, se révèlent très pratiques pour préparer de futures reconnaissances. Une fois sur le terrain, il s'agit de trouver un territoire accueillant le Cincle plongeur !
Les traces et indices de présence du Cincle plongeur.
Notre oiseau ne laisse que peu de traces et d'indices sur le terrain, en effet sa vie se déroule à proximité de l'eau ou/et dans l'élément liquide ! Une saison humide, avec de fréquentes pluies, de fortes fluctuations du niveau des cours d'eau ont vite raison des quelques indices que le cincle peut laisser.
✅ Les reliefs de repas.
Le merle d'eau, c'est l'autre nom donné à notre oiseau, consomme beaucoup d'insectes aquatiques au stade adulte ou/et au stade larvaire.
Citons, entre autres :
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Dytiscus marginalis et sa larve
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- Les trichoptères appelées indifféremment : bêtes de bois, traînes-buches, porte-bois, ou vers d'eau dont la larve se construit un fourreau de petits cailloux, de débris de roseaux, de coquilles d'escargots, ou de petites branches ...
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Larve et adulte Limnephilus rhombicus
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Les restes de repas comme les exosquelettes, carapaces, fourreaux une fois décortiqués sont vite emportés par le courant et donc difficile à trouver.
- Poissons.
Il arrive également que le cincle consomme de façon tout à fait anecdotique quelques très petits poissons.
✅ Les pelotes de réjection.
Elles existent, sans aucun doute, mais sont tout aussi rares que les autres indices d'alimentation. Aucun texte, à ma connaissance, n'y fait référence.
C'est quoi une pelote de réjection LIEN 📌
✅ Les fientes.
Les principaux indices sont les fientes abandonnées sur les rochers et autres perchoirs fréquentés par le Cincle plongeur.
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4 fientes et 1 Cincle plongeur
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👴 Bon à savoir : un récent séjour aux abords d'une rivière fréquentée par des cincles ne vient pas corroborer ce que je peux lire et relire sur la toile (bien souvent copié et collé) , un secteur fréquenté par des cincles ne présente pas toujours une forte concentration de fientes ! Tout dépend des fluctuations du niveau de l'eau et des pluies qui diluent et effacent ces "fameuses" fientes !
✅ Les nids.
La
présence d'un nid reste bien entendu le meilleur indice de présence
possible. Inutile de préciser que la recherche s'effectue avec beaucoup de précautions.
Reportez-vous à la documentation existante pour affiner vos recherches.
✅ Les traces de pattes.
Citées pour l'anecdote !
👴 Bon à savoir
: les bergeronnettes fréquentent les mêmes milieux que les cincles et
laissent, elles aussi des crottes sur les rochers, ridiculement
petites par rapport à celles du cincle, impossibles à confondre ! Le Héron cendré laisse quant à lui des fientes de la taille d'une main d'enfant !
Les fientes.
Le Cincle plongeur, comme beaucoup d'animaux, a ses habitudes, il fréquente avec régularité les mêmes perchoirs, c'est-à-dire, des rochers ou des branches situés à des endroits privilégiés.
👴 Bon à savoir : ces perchoirs situés stratégiquement peuvent, à l'occasion d'un étiage ou d'une crue, perdre ce statut au profit d'autres rochers ou d'autres branches.
Le naturaliste s'attachera donc à rechercher ces perchoirs dans le lit des cours d'eau où il espère déceler la présence du Cincle plongeur. Les fientes restent, comme je l'ai écrit plus haut, présentes tant que les conditions météo (précipitations) ou la montée des eaux ne réussissent à les faire disparaître.
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Deux insignifiantes traces de fientes sur le rocher figurant au deuxième plan
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Seul un regard affûté saura déceler ces insignifiantes traces laissées par des fientes, depuis longtemps disparues, comme sur le cliché ci-dessus.
Taille et aspect des fientes.
Comme tous les oiseaux, le cincle rejette des fientes composées d'urine partie blanche et de fèces (fɛs ou fe.sɛs) ou excréments partie noire, voir ci-dessous.
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Le "pipi" blanc et le "caca" noir autrement dit, d'une fiente de Cincle plongeur.
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Autre "modèle" de fiente de Cincle plongeur
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À l'abri des intempéries, sous un arbre déraciné, par exemple, les fientes perdurent et sont facilement repérables
Celle-ci semble récente.
Un nid de cincle plongeur remarquable.
Sur la rivière Creuse, j'ai découvert ce nid de cincle installé dans un endroit tout à fait surprenant ! C'est en observant les oiseaux nourrissant leur progéniture que j'ai eu la certitude qu'il s'agissait bien d'un nid de Cincle plongeur.
Un nid de Cincle plongeur victime de prédateurs.
S'agit-il réellement d'un nid de Cincle plongeur ?
C'est à la suite de la découverte d'un œuf brisé sur une pierre à l'aplomb d'un nid de Cincle plongeur que mon enquête démarre.
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Un petit œuf brisé sur une pierre du torrent
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À ses côtés de nombreuses fientes de Cincle plongeur
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Ces indices sont protégés par le chevelu d'un arbre abattu par le vent.
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Une rapide investigation révèle, effectivement, la présence d'un nid de Cincle plongeur dans le chevelu de l'arbre abattu. Hélas, le nid a été prédaté !
Mes premières constatations permettent de dire que :
- la taille du nid, qui est en fait une grosse boule de mousse, correspond bien à celle que construit habituellement le Cincle plongeur.
- les matériaux entrant dans la composition de cette boule sont en tout point identiques à ce que les cincles utilisent pour la construction de leur nid ;
👉 Cependant, l'observation attentive des matériaux composant l'intérieur du nid (évacués par le/les prédateur) révèle, quelques incohérences ; les radicelles, feuilles, et brindilles, habituellement utilisées par les Cincles plongeurs sont bien présentes, mais également une grande quantité de plumes, de crins, et de fils divers.
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Le nid de Cincle réaménagé par les Troglodytes mignons prédaté par ?
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Les matériaux apportés par les troglodytes
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Ces matériaux de garniture, plumes, crins, fils divers ne sont généralement pas utilisés par les cincles. Il est donc fort possible que nous soyons en présence d'un nid de Cincles plongeurs réutilisé par un couple de Troglodytes mignons ?
En fouillant ce qui reste du nid, je découvre un œuf ; placé au creux de la main, je constate qu'il est glacé. Sa taille et sa couleur correspondent plus à un œuf de Troglodyte mignon.
Comparaison entre des œufs de Cincle plongeur et des œufs de Troglodyte mignon.
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Œufs provenant d'une prédation sur un nid de troglodyte.Voir article LIEN
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Leur taille diffère pratiquement du simple au double, quant à leur couleur, ils sont blancs immaculés pour le Cincle plongeur et blanc tachés de brun-rouge pour le Troglodyte mignon.
👴 Bon à savoir : Il est toutefois possible de rencontrer des œufs immaculés chez le troglodyte mignon.
Les indices de prédation.
Sur le cliché ci-dessous l'œuf cassé trouvé au pied du nid et l'œuf trouvé à l'intérieur du nid.
Quel est cet objet posé à côté de l’œuf ?C'est une échelle photographique LIEN Résultats de l'enquête.
Le nid découvert dans le chevelu de l'arbre est bien un nid de Cincle plongeur réaménagé par des Troglodytes mignons.
Les Cincles plongeurs ont-ils délaissé ce nid de l'année passée au profit d'un autre, reconstruit sur un emplacement plus favorable ?
Le nid de cincle a-t-il été prédaté et abandonné ?
Les troglodytes jugeant l'emplacement favorable y ont installé leur nid qui a été prédaté.
Impossible de savoir qui a prédaté le nid des troglodytes ; des Geais des chênes rodent dans le secteur, mais les preuves manquent pour les accuser.
Où rencontrer le Cincle plongeur.
"Le Cincle plongeur habite le Nord-ouest de l'Afrique, l'Europe et l'Asie septentrionale, il existe de nombreuses formes aux variations de couleurs tout aussi diverses. L'espèce est bien répandue en France et en Suisse, mais niche localement en Belgique et plutôt dans le haut pays" (Paul Géroudet).
Le cincle fréquente, comme écrit plus haut les cours d'eau rapide aux eaux oxygénées, coulant sur des lits caillouteux, avec possibilités d'installation du nid. Sa présence est attestée dans les zones montagneuses du Jura, des Alpes, des Pyrénées, de la Corse, dans le Massif-central elle est considérée par certains auteurs comme résiduelle ! Sa présence en Bretagne est anecdotique.
Facteurs déterminant pour la présence du cincle :
- pureté de l'eau conditionnant la présence des espèces proies ;
- présence d'une importante population de macroinvertébrés ;
Les
macroinvertébrés ou macro-invertébrés sont l’ensemble des animaux
visibles à l’œil nu (généralement d'une taille supérieure à 0.5 mm) et
qui ne possèdent pas de squelette. Les macroinvertébrés aquatiques
vivent dans les cours d'eau sur et dans les sédiments. Ils sont
couramment utilisés pour déterminer la qualité des eaux en raison de
leur sensibilité aux changements de la qualité de l'environnement. Pour
les études de qualité d'eau, les macroinvertébrés aquatiques sont
généralement classés en trois groupes en fonction de leur capacité à
tolérer la pollution de l'eau : sensible à la pollution, peu sensible et
tolérance à la pollution. Les macro-invertébrés sont constitués d’insectes (larve, nymphe, adulte) ainsi que de mollusques, des vers ou de crustacés. Lien vers Livret Bio-Indicateurs 👉 ICI
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- eau saturée en oxygène résultant des basses températures favorisées par leur passage dans les chutes. Comparées à une rivière de plaine les eaux des torrents sont hyper saturées en oxygène dissous et accueillent un cortège d'organismes grands consommateurs d'oxygène dont se nourrit le cincle.
- débit du cours d'eau, pas ou peu de période d'étiage, entraînant la disparition ou une diminution ponctuelle de la population de macroinvertébrés ; - présence de site de nidification. Point essentiel à l’installation du cincle ;
- les dérangements (pêcheurs, promeneurs)
👿 Il est regrettable que le Cincle plongeur devienne un produit d'appel pour les parcs naturels, et les agences de tourisme.
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Jean-Paul Lahache